Le « dilemme du dalmatien »

Robe blanche et surdité
Les bases de la surdité du Dalmatien ne sont pas à définir en termes de gène de la surdité mais par un mécanisme par lequel des aires pigmentées et non pigmentées sont produites dans la robe et ailleurs dans le corps. Ceci crée un dilemme pour l’éleveur car la sélection d’une audition parfaite chez le chien est annulée par celle du standard de la race. Dans cet article, le Dr Bruce Cattanach explique comment la robe blanche les yeux bleus et la surdité sont liés intrinsèquement et suggère une approche simple pour réduire l’incidence de la surdité qui pourrait être appliquée par tous les éleveurs de dalmatiens sans surcoût financier.

Le Dalmatien, malgré la présence de ses taches nummulaires pigmentées, est en fait un chien blanc: cette race est bien connue comme étant à haut risque pour la surdité (tableau 1). Bien que l’association surdité et couleur blanche du pelage soit connue depuis longtemps, les recherches vétérinaires restent perplexes quant à l’héritabilité de la surdité. Il a ainsi été mis en évidence que des chiens normalement entendants, quand ils sont croisés ensembles peuvent avoir une descendance sourde; il a aussi été trouvé que des chiens sourds croisés ensembles peuvent avoir des descendants normalement entendants. L’incidence de la surdité a aussi été rapportée comme différente entre les sexes (Anderson 1968, Holliday 1992). En conséquence, une héritabilité récessive, dominante, multifactorielle et même liée au sexe a été avancée (Greibrokk 1994).

Malgré cette confusion, il a été montré dans des études menées en Grande Bretagne (GB) et aux États Unis (USA), qu’un élevage sélectif de chiens bien entendants réduit l’incidence de la surdité. Ceci a été grandement facilité par l’étude des potentiels évoqués du tronc cérébral ou potentiels évoqués auditifs (PEA) qui permet de distinguer les chiens affectés unilatéralement (surdité d’une oreille) des chiens génétiquement normaux. Il existe donc un potentiel pour les éleveurs de réduire l’incidence de la surdité chez leurs reproducteurs.

L’approche moléculaire génétique d’identification des gènes de la surdité a aussi été mise en œuvre dans l’espoir qu’elle puisse assister les éleveurs dans la sélection des chiens sans gènes de la surdité. Le but de cet article est d’exposer une base moins complexe de la surdité des chiens blancs et de présenter une interprétation génétique des données publiées chez le chien et la souris. De façon surprenante, la base de la surdité n’est pas reconnue en termes de gènes de la surdité mais plutôt sur les mécanismes par lesquelles les surfaces pigmentées et non pigmentées (blanches) sont produites dans le corps que ce soit pour la robe ou d’autres tissus. Malheureusement, les implications créent un dilemme chez les éleveurs de dalmatiens. Comme rapportée par Famula (1996) et Wood (1996), la sélection en faveur de l’audition normale est en opposition avec celle demandée par le standard de la race.

Les bases de la couleur blanche de la robe.
La couleur blanche de la robe des chiens peut être apportée de deux façons différentes. Elle peut résulter d’une dilution extrême du pigment produit par les cellules pigmentaires de telle sorte qu’un certain degré de blanc cassé peut être évident. La race qui montre ce genre de robe blanche est le West Highland White Terrier qui peut souvent montrer un blanc ombré sur les oreilles ou le long du dos. La seconde forme de blanc s’obtient par une absence complète de cellules pigmentaires. Cette forme de robe blanche se retrouve chez les races chez qui des plaques distinctes pleinement colorées sont communément ou occasionnellement notées à la naissance.. Ces plaques apparaissent typiquement autour des yeux et des oreilles, mais peuvent être retrouvées ailleurs sur le corps. Les régions blanches ou les taches sur des chiens pigmentés en grande partie peuvent aussi être attribuées à cette explication.

Les gènes du blanc tacheté
Au moins deux gènes sont connus comme entraînant des régions blanches par l’absence ou la diminution en nombre des cellules pigmentaires. L’un est le gène merle dominant (M), communément présent chez l’hétérozygote (un seul gène) des races colleys, Cardigan Welsh Corgi et Dogues Allemands Arlequin. C’est l’homozygote, avec deux fois le même gène qui est totalement blanc. Parce que l’homozygote est plus souvent aveugle et sourd en plus d’être atteint d’autres tares, la reproduction de tels chiens est généralement évitée. Le second gène qui réduit le nombre des cellules pigmentaires et cause une robe blanche, c’est le gène récessif (s), l’allèle extrême qui donne une robe presque entièrement blanche retrouvée chez les dalmatiens, les Setters Anglais, les boxers blancs, etc.

Allèles au site « s.»
Il existe différents allèles du gène s, ce qui crée différents niveaux et distribution du pelage blanc

  • L’allèle dominant S ou + donne le pelage de couleur classique de nombreuses races mais aussi divers niveaux de blanc retrouvé sur les doigts, le thorax, l’abdomen.
  • Avec l’allèle « Irish spotting » (si), les marques blanches sont principalement retrouvées sur la face, autour du cou, et sur les parties déclives des membres, du thorax et de l’abdomen. Le Boston terrier et le basenji sont des exemples.
  • L’allèle « piebald spotting » (sp) produit une distribution de blanc plus étendue comme l’illustrent certains cockers spaniels et pointers
  • Finalement, il existe l’allèle extrême « white spotting » (sw) retrouvé chez le dalmatien et les autres races déjà mentionnées.

Chez ces chiens, la robe est presque entièrement blanche, mais des plaques pigmentées à la naissance peuvent parfois être retrouvées (oublions la notion de taches nummulaires pour le moment). Comprendre la distribution pigmentée et non-pigmentée fournit une clé importante de la relation entre la couleur blanche de la robe et la surdité.

La couleur blanche, les taches nummulaires et la migration des cellules pigmentaires.
Des études sur des souris de laboratoire montrent que les cellules pigmentaires dérivent de la crête neurale du fœtus. Avant la naissance, elles migrent depuis ce tissu et colonisent des sites symétriques spécifiques de chaque coté de la tête et de la ligne du dos. Trois sites symétriques existent au niveau de la tête. Une localisation est proche des yeux, une autre proche des oreilles et une troisième s’étend à l’occiput (ceci étant la base de la tache de Blenheim du Cavalier King Charles). Différentes estimations suggèrent qu’il y a six sites le long du corps et peut être un plus grand nombre le long de la queue (Mintz et Russel 1967, Schaible 1969, Cattanach 1974). A chaque site, une ou plusieurs cellules pigmentaires (peut être jusqu’à trois, Lyon 1970) prolifèrent pour donner des clones de cellules qui migrent de façon à se rejoindre les unes les autres ; elles s’étendent aussi vers le bas de la tête et du corps de façon à se joindre ventralement. Elles migrent sur les membres en descendant vers les doigts. Les régions les plus éloignées (sous le menton, le thorax, le ventre et la face ventrale des membres) sont les plus susceptibles de ne pas être colonisées par les cellules, et en conséquence rester blanches. Ceci reste l’explication la plus commune des marques blanches chez de nombreuses races de chiens, de chat, de souris, de chevaux, de bovins, etc.

Les divers allèles « s », réduisent plus ou moins le nombre de cellules pigmentaires et empêchent plus ou moins leur migration. Avec l’allèle normal « S », il se produit une pigmentation complète, mais les régions les plus éloignées notamment le thorax et les doigts sont les plus susceptibles de rester non colonisées ; on explique ainsi les marques blanches occasionnelles sur le thorax, le ventre et les doigts des races normalement colorées comme le setter Irlandais. Avec l’allèle « si& », les sites initiateurs du cou peuvent ne pas gagner leurs cellules pigmentaires, de même qu’ailleurs la migration des cellules peut être empêchée d’où le cou blanc et les marques blanches plus ou moins grandes chez de tels animaux. Le mécanisme est le même, mais de façon plus ample avec « sp » pour donner le dessin « pie »; avec le « sw », le pelage est essentiellement blanc avec quelques plaques occasionnelles retrouvées dans les régions proches des sites originaux, notamment autour des yeux et des oreilles. Dans tous les cas, les limites sont celles de la migration des cellules pigmentaires. Chez les chiens, cette migration continue après la naissance, la taille des plaques augmentant et les zones blanches diminuant durant les premiers jours ou les premières semaines.

Autres facteurs influençant le blanc tacheté.
Alors que la migration des cellules pigmentaires produit la distribution caractéristique qui est si familière aux chiens, ce n’est pas tout, comme l’illustre l’apparition régulière de taches sur la peau des régions blanches, avec parfois une coloration des poils de ces régions. Il est probable que le gène-facteur « ticking (pointage) » (T) des dalmatiens amplifie ces phénomènes normaux, pour donner la distribution en taches nummulaires « à pois » qui caractérise la race. Il y a eu beaucoup de controverse scientifique sur les mécanismes responsables, mais il semble probable que la migration des cellules pigmentaires couvre l’ensemble du corps. Il s’ensuit une période (prénatale) durant laquelle la plupart des cellules pigmentaires des zones blanches ne survivent pas. Ensuite, la prolifération et la migration recommence (post natale) pour donner la touche finale des animaux « si » et « sp. », et l’apparition, chez les dalmatiens, des taches nummulaires dans les zones blanches où quelques pigmentaires ont survécu. Alors qu’une telle théorie peut être importante pour la génétique des taches nummulaires elle a cependant peu d’intérêt dans la survenue de la surdité.

Variation dans le niveau du blanc tacheté.
Il faut noter qu’il y a une variation considérable dans la quantité de blanc montrée par les chiens possédant les différents alléles « s ». Chez les chiens (Robinson 1982) et les souris de laboratoire (Grüneberg 1952, Schaible 1969), il a été trouvé que les niveaux peuvent être modifiés par un élevage sélectif. Donc en commençant d’un niveau de blanc intermédiaire, une sélection sur plus de blanc peut générer des animaux presque entièrement blancs alors que des sélections sur moins de blanc peut produire des animaux presque complètement colorés.

Il peut y avoir également une dissymétrie droite-gauche. Par exemple, il peut y avoir une plaque pigmentée péri oculaire, ou auriculaire sur un côté de la tête, et rien sur l’autre. De plus, avec l’extension du blanc, un œil ou les deux peuvent être complètement ou partiellement bleus, ceci résultant de l’absence de la presque absence de pigmentation del’iris. Par consé quent, il y a un élément essentiel de hasard dans la distribution des cellules pigmentées. Mais il est très important que les cellules pigmentaires colonisent l’intérieur de l’oreille car elles jouent un rôle essentiel dans la fonction d’audition.

Base de la surdité
Hormis l’intervention de facteurs externes, de nombreux gènes différents sont connus pour entraîner une surdité à la fois chez les souris de laboratoire (Steel 1995) et les chiens (Strain 1996); ceci est attribuable à la spécificité des anomalies de l’oreille interne. La surdité associée à la couleur blanche de la robe est décrite comme sensori-neuronale. Il a été montré chez la souris que la présence de cellules pigmentaires est essentielle au développement normal de l’oreille interne où elles colonisent la stria vascularis. En leur absence, comme il a été bien établi chez le chien, la stria qui normalement fournit l’apport énergétique à la cochlée, dégénère. Les dommages à la cochlée apparaissent ensuite: les cellules nerveuses sensorielles ciliées nécessaires à l’audition meurent. Clairement, l’effet est variable, comme les PEA l’ont montré : une, deux ou aucune des oreilles peuvent être atteintes. Les cellules pigmentaires sont invariablement absentes de la stria des souris sourdes qui ont un pelage blanc attribuable à un défaut de cellules pigmentaires.

La relation entre surdité et couleur blanche du pelage et les yeux bleus est claire. Dans tous les cas, le manque de cellules pigmentaires est responsable. Moins il y a de cellules pigmentaires et plus leur migration est limitée, plus grande la proportion du pelage apparaît blanc. De façon similaire, il y a aussi un plus grand risque pour qu’un ou deux yeux non pigmentés apparaissent bleus. Et, plus important dans le contexte de cet article, il y a aussi un plus grand risque que les cellules pigmentaires soient absentes de la stria d’une ou des deux oreilles ce qui résulte en une surdité uni-ou bilatérale. Sur les bases de ces découvertes, il n’y a pas besoin de postuler sur la présence d’un simple ou de multiples gènes de surdité ou d’yeux bleus chez les chiens blancs manquant de cellules pigmentaires. Tous les effets peuvent être attribués au gène « s ».

Incidence de la surdité chez les dalmatiens.
Le tableau 2 présente quelques estimations de surdité chez les dalmatiens. Alors qu’il y a quelques indications de variation régionales et nationales aux USA, les données sont d’une façon générale, remarquablement constantes. Partout, les incidences sont hautes et le problème n’est pas restreint à des lignées ou groupes particuliers de la race. Ceci parle en lui même contre l’implication d’un gène de la surdité seul. De plus, les résultats des PEA montrent que les estimations de surdité bilatérale sous estiment encore plus le problème. La fréquence de surdité unilatérale dans toutes les régions est généralement deux à trois fois plus haute que celle des animaux complètement sourds. Une très grande proportion de la race (20 à 30 %) est donc affectée par la surdité.

Association yeux bleus et surdité.
L’association yeux bleus et surdité chez les chiens blancs est reconnue depuis le premier cas avancé en 1896 (Rawitz, cité par Hayes en 1981). Quelques unes des récentes évidences clés sont résumées dans le tableau 3. On peut voir que le risque de surdité bilatérale ou unilatérale chez les chiens aux yeux bleus est environ deux à trois fois plus important que chez les chiens aux yeux marron; même la présence d’un seul œil bleu est associée à un risque presque aussi élevé. Greibrokk (1994) a attribué la faible incidence relative de surdité chez les dalmatiens norvégiens aux éleveurs dont la sélection évite les yeux bleus. Ceci pourrait aussi être exact pour les dalmatiens de GB qui montrent aussi un plus faible taux de surdité (Wood et Lakhani 1997) que les dalmatiens américains chez qui les yeux bleus sont tolérés pour les expositions (Greibrokk 1994). Le lien entre yeux bleus et surdité est aussi suggéré dans l’article de Strain 1992) sur un dalmatien américain qui pensait-on était non porteur du gène de la surdité, ceci basé sur le fait qu’il avait produit seulement 13 chiots sourds unilatéraux (6.2%) et deux chiots sourds bilatéraux (1%) sur 210 descendants en 25 portées, comparé aux 21.8% et 8 %, statistiques de l’étude générale. Seulement deux de ces chiots (1 %) avaient les yeux bleus alors que l’étude générale rapporte 10.6 %.Une sélection contre les yeux bleus et donc pour une bonne pigmentation oculaire implique une sélection pour plus de cellules pigmentaires et une plus grande distribution de celles-ci. On peut l’expliquer par la plus grande probabilité que des cellules pigmentaires atteignent l’oreille interne, réduisant ainsi l’incidence de la surdité.

Association des plaques pigmentées à la naissance et réduction du risque de surdité.
De nombreux auteurs ont noté que l’incidence de la surdité chez les dalmatiens est moindre chez les chiens qui ont des plaques pigmentées à la naissance (Holliday 1992, Strain 1992, Greibrokk 1994, Famula 1996, Strain et Tedford en 1996). Les données les plus complètes sont présentées dans le tableau 4. La surdité bilatérale chez les animaux ayant des plaques pigmentées à la naissance était significativement moins fréquente que les chiens sans. (2 % comparé à 8 %). De plus, la fréquence d’une surdité unilatérale était aussi significativement plus basse (8 à 9 % comparé à environ 23 %). La relation entre la présence de plaques pigmentées à la naissance et une faible incidence de la surdité a aussi été retrouvée dans la descendance d’un seul mâle décrit par Strain en 1992. Parmi les 210 chiots de sa descendance chez qui l’incidence de la surdité était faible, une importante proportion (21.9 %) avaient une plaque pigmentée à la naissance comparativement à la fréquence générale de 9.8 % d’après les études principales.

En accord avec l’association de plaque pigmentée à la naissance et la diminution de l’incidence de la surdité chez les dalmatiens, on observe chez les bull terriers, où il existe une tolérance des éleveurs pour des plaques pigmentées à la naissance sur la tête, une incidence de surdité inférieure à celle des dalmatiens. (tableau 1). Cela a aussi été noté chez la souris de laboratoire chez qui les zones blanches de la robe sont importantes: plus il y a de risque d’absence de cellules pigmentées dans l’oreille interne et donc plus le risque de surdité est grand (Steel 1995).

Tout comme la sélection contre les yeux bleus réduit l’incidence de la surdité, on peut s’attendre à ce que la sélection sur les plaques pigmentées à la naissance ait le même effet.

Test pour d’autres facteurs.
Strain en 1992 a recherché d’autres facteurs qui pourraient influencer l’incidence de la surdité. Ceux-ci comprenaient le sexe, la couleur (noir, marron, citron, tricolore) la pigmentation rétinienne, la pigmentation du tour de l’œil et de la truffe, la taille des taches et le niveau de marquage. Des résultats disparates ont été obtenus pour plusieurs de ces facteurs aux trois endroits où les test ont lieu aux USA (tableau 2): seule la pigmentation rétinienne (en plus de la pigmentation de l’iris et de la présence de plaques pigmentées à la naissance) a montré une association avec la surdité. Un plus grand nombre de mâles atteints a été retrouvé dans une petite étude (Anderson 1968), mais avec plus de données, la prévalence pour les femelles est généralement plus importante (Holliday 1992, Wood et Lakhaini 1997. La base de cette différence sexuelle n’est pas expliquée, mais le degré d’incidence chez la femelle ne suggère pas une hérédité liée au chromosome X.

L’élevage et la surdité
De nombreux investigateurs ont noté que les dalmatiens avec une audition normale des deux oreilles, prouvée par PEA, produisent moins de chiots atteints que ceux dont la surdité a été prouvée. (Strain 1992, Yusbaziyan-Gurkan 1994, strain et Tedford 1996, Wood et Lakhani 1997). Quelques unes des données clés sont présentés dans le tableau 5. Dans l’étude de Yusbaziyan-Gurkan en 1994 sur des chiens américains, l’incidence de la surdité bilatérale était trois fois plus importante parmi les descendants d’un croisement d’un chien sourd unilatéral avec un chien normal que celui de deux chiens normaux. Strain et Tedford apportent plus de détails en 1996 en montrant que les chiots uni-et bilatéralement sourds proviennent,beaucoup plus souvent d’un croisement entre chiens affectés qu’entre chiens normaux. Wood et Lakhani arrivent à des résultats similaires sur une plus petite étude de chiens en GB en 1997.

De telles découvertes mettent en évidence que la surdité du chien blanc et du dalmatien en particulier a une composante génétique. Comme précédemment mentionné, il est bien établi que l’extension de la robe blanche associée ave le gène « s » chez la souris(Grûneberg 1952, Schaile 1969) et le chien (Robinson 1982) répond facilement à la sélection. Puisque les variations dans la robe entraîne une variation dans le nombre ou la migration des cellules pigmentaires, il serait surprenant que cette variation ne s’étende pas à l’oreille interne pour augmenter ou diminuer l’incidence de la surdité. De telles variations sont le reflet des variations d’expression du gène « s » apportées par une modification du « potentiel génétique ». Il n’y a pas besoin d’émettre l’hypothèse de gènes séparés pour la couleur blanche de la robe, celle du bleu des yeux et de la surdité chez les chiens blancs. Le gène « s » (ou M chez les autres races) peut être vu comme un facteur génétique commun.

Implication sur le contrôle de la surdité.
Il doit être clair, à partir de la discussion précédente, que la robe blanche, les yeux bleus et la surdité sont intrinsèquement liés. Tous ont comme base commune un manque de cellules pigmentaires. Il doit être aussi clair, d’après les études rapportées, que chaque type d’effet peut être modifié par une reproduction sélective. Réunies ensembles les statistiques des USA et de GB sur les dalmatiens montrent que la surdité peut être réduite par la sélection;. il a été montré chez les dalmatiens norvégiens que les yeux bleus peuvent aussi être éliminés: il a été prouvé chez la souris de laboratoire et chez le chien que la sélection peut modifier l’extension des zones pigmentées dans la robe, c’est à dire des plaques pigmentées à la naissance. La réponse à la sélection pour chacun de ces critères implique que le nombre ou la migration des cellules pigmentaires soit modifié. Il s’ensuit que la sélection pour chaque critère modifiera les autres: c’est le dilemme du dalmatien. Une sélection sur l’audition (soit par PEA ou analyse d’ADN) ou contre les yeux bleus (Greibrokk 1994) risque d’augmenter l’incidence des chiens avec des plaques pigmentées à la naissance. Cependant la présence de ces plaques ne s’accorde pas avec le standard de la race. Il y a une sélection des éleveurs contres ces plaques et cela, non intentionnellement, à un effet contraire sur la sélection de la surdité.

S’attendre à ce que la sélection contre la surdité conduise à la production de chien entendant sans plaque pigmentée à la naissance, c’est trop demander. Cela signifierait en quelque sorte qu’il serait possible d’augmenter le nombre ou la migration des cellules pigmentaires de façon à augmenter leur chance de migrer spécifiquement jusqu’à la stria de l’oreille interne mais pas dans les régions de la peau et de la robe. Des choses étonnantes ont été faites chez les chiens par l’élevage sélectif, mais ceci est virtuellement impossible. Ce serait s’attendre à être capable de reproduire des chiens « si » ou « sp » avec un membre antérieur blanc et l’autre pigmenté. Les variations sur l’étendue du blanc des membres existent mais généralement, elles sont symétriques. Changer ceci par sélection est virtuellement impossible.

Un moyen d’aller plus loin.
Les éleveurs de dalmatiens font confiance aux PEA. Ils ne sont cependant que le reflet d’un critère : l’audition. A ma connaissance, aujourd’hui rien n’est noté sur la couleur des yeux ou la présence de plaques pigmentées à la naissance. En vue de l’association de ces trois critères, il serait bon d’enregistrer toutes les données en même temps et d’en faire quelque chose de façon à ce que les éleveurs voient la relation. Ce ne serait pas difficile de produire des diagrammes qui collectent des informations droite-gauche sur la couleur des yeux, la présence de plaques pigmentées à la naissance et le résultat des PEA. La question, c’est comment utiliser les résultats pour réduire l’incidence de la surdité dans la race? Là, je suggèrerai qu’un compromis soit la solution.

Il semble qu’il n’y ait aucune justification à élever des chiens sourds bilatéraux et j’imagine que peu d’éleveurs seront en désaccord sur ce point. Mais qu’en est-il des sourds unilatéraux? Ils sont tout à fait normaux bien que les résultats montrent que de tels chiens partiellement atteints, ont plus de risque de produire une descendance de chiots affectés (tableau 5). Il serait logique de retirer ces chiens du contingent de chiens reproducteurs (confirmés). Cependant, quand l’incidence estimée des chiens unilatéralement sourds est ajoutée à celle des sourds bilatéraux en GB, on arrive à 18 % (tableau 2). Une telle sélection est rigoureuse : une solution de compromis pourrait être, au moins pour une certaine période de temps, de donner la possibilité de conserver de telles chiennes reproductrices an accord avec certains éleveurs. Par contre, il faut traiter les mâles de façon rigoureuse. Il faut considérer que seuls les chiens normalement entendants pourraient servir à l’élevage.

Les données accumulées indiquent aussi que le risque de surdité peut être diminué en retirant les chiens aux yeux bleus de la population de reproducteurs.; là encore, peu d’éleveurs de GB seraient contre ceci. Par contre, la présence de plaques pigmentées à la naissance est beaucoup plus controversée. Une sélection contre ces plaques pèse sur la race et augmente le risque de surdité. Il y a certainement de la place pour un compromis. Est-ce que des plaques pigmentées limitées autour des yeux et des oreilles pourraient être acceptables dans le standard? Alors, l’incidence de la surdité pourrait tomber aussi bas qu’elle l’est chez le bull-terrier (table 1). Il pourrait y avoir de la place pour une amélioration par la sélection. Ceci permettrait d’éliminer virtuellement toute surdité de la race, ce que, de façon réaliste, tout éleveur de dalmatien devrait espérer.

Cet article a été publié pour la première fois en 1999 par le Dr Bruce Catternach.Ces recommandations ne regardent que lui et ne sont pas celles données par l’ECDC